Translated by Sarah Montin
Keywords
Translation, Mary Borden, Edith Sitwell, Eavan Boland
____________________
Three woman poets; three different conflicts. Mary Borden’s unpublished sonnets on the First World War, Edith Sitwell’s litanies of the Blitz and Eavan Boland’s muted evocation of the Troubles in the 1970’s, all offer distinct forms of poetic testimony to the political conflicts of their times.
Better known for her poem “Song of the Mud” (1917) and her collection of stories The Forbidden Zone (1929), Mary Borden wrote “Is the World Small” in 1917, one of several unpublished holograph sonnets (discovered in her husband’s archives and transcribed by Marcia Phillips McGowan), written while she was active as a nurse on the Western Front. Built on nine questions addressing the role of the artist in war and, possibly, the duty and place of the woman poet, this poem offers a candid expressions of existential and artistic anguish from one of the rare woman poets who had first-hand experience of the battlefields of the Somme.
Edith Sitwell, who had already contributed to the poetic output of the First World War (most notably by editing and publishing several of Wilfred Owen’s poems in the 1919 edition of Wheels) is an established poet when she writes her now-famous “Still Falls the Rain”, set to music by Benjamin Britten in his Canticles (1954). Inspired by the bombing of Sheffield in December 1940, this powerfully rhythmic poem introduces the voice of the civilian witness, against a phonic background of falling bombs, hammered nails and dripping blood. Writing as a Catholic, occupied by the tragic vision of the world at war, she transforms the Blitz into a retelling of Christ’s passion, and evokes the redemption of man by divine pity. Both deeply personal in her vision and universal in scope, her individual experience of the war disappears behind a speech of oracular anonymity.
Far removed from Mary Borden’s and Edith Sitwell’s passionate syntax, Eavan Boland’s seemingly subdued, quietly ironical, evocation of the Troubles in Ireland at the beginning of the 1970’s, was published in 1975, in her second collection of poems, The War Horse. Written from the point of view of a suburban wife and mother witnessing from her window the destruction of her flower-beds by an errant horse, it evokes the irruption of the “atavistic” violence of Irish history in a place of peace. Beneath the domestic surface landscape and the reassuring rhyming couplets, the poem speaks of the vulnerability of the artist confronting or evading political conflict while offering one of the first attempts of a woman poet to engage with the Irish political poem.
Mary Borden — « Le Monde est-il petit » (1917)
Le monde est-il petit parce que Dieu n’existe pas?
L’aventure est-elle fade car il faut faire sans
L’incroyable salaire de la vanité –
Mon immortalité ? Suis-je un amas
De chair stupide parce que je désespère ?
L’exigence du devoir est-elle moins terrible,
Les mains qui supplient moins pitoyables,
Ai-je moins raison, ai-je moins le droit de prétendre
À la quête de la vérité? Pourquoi faillir avant la fin ?
L’amour et le mystère ne s’accordent-ils plus ?
Les passions n’implorent-elles plus la poésie ?
N’ai-je pas un sanctuaire à défendre ?
Ce flambeau que je tiens, ne pourrais-je le passer ?
Ne brûlera-t’il pas longtemps après ma mort ?
Mary Borden — “Is the World Small” (1917)
Is the world small because there is no God?
Is the adventure dull, because I must dispense
With vanity’s astonishing recompense
My immortality? Am I a clod
Of stupid flesh, because I know despair?
Does duty make less terrible demands
Does pity hold out less imploring hands,
Have I less reason and less right to dare
To follow truth? Why fail before the end?
Does love no longer live with mystery;
Passions no longer plead for poetry;
Have I no sanctuary to defend?
This torch of mine, shall I not hand it on?
Will it not burn, long after I am gone?
[poem no longer under copyright]
Edith Sitwell — La Pluie tombe, encore. Sous le Blitz, 1940. Nuit et Aube.
(traduction avec Romain Nguyen Van)
La Pluie tombe, encore –
Sombre, comme le monde des hommes, noire comme notre perte –
Aveugle comme les mille neuf cent quarante clous
Sur la Croix.
La pluie tombe, encore –
Cognant comme cœur qui bat et maintenant martèle
Dans le Champ du Potier, comme le bruit des pas impies
Sur la Tombe :
La pluie tombe, encore
Dans le Champ du Sang poussent les espoirs vils, et le cerveau hu- [main
Cultive son avarice et grouille au front de Caïn.
La pluie tombe, encore –
Aux pieds de l’Affamé sur la Croix.
Jésus Christ, chaque jour, chaque nuit, toi qui restes rivé là, aie pitié de nous –
De Dives et de Lazare :
Sous la pluie, la plaie et l’or ne font qu’un.
La pluie tombe, encore –
Le Sang tombe, encore, du Flanc blessé de l’Affamé :
Il porte en Son Cœur toutes les blessures, – celles de la lumière [morte,
Dernière pâle lueur
Du cœur suicidé, les blessures des ténèbres, tristes et indifférentes,
Les blessures de l’ours que l’on tourmente–
L’ours aveugle qui pleure et que meurtrissent ses maîtres
Dans sa chair sans défense … les larmes du lièvre que l’on chasse.
La Pluie tombe, encore –
Alors – O je bondirai vers mon Dieu : qui donc me retient –
Vois, vois le sang du Christ qui ruisselle au firmament :
Il coule du Front que nous avons cloué à l’arbre,
Et s’abîme jusqu’au cœur mourant, jusqu’au cœur assoiffé,
Gardien des feux de ce monde, – leurs noires macules de douleur
Sont comme la couronne de laurier de César.
Alors résonne la voix de Celui qui comme le cœur des hommes,
Fut jadis enfant couché parmi les bêtes –
« Je t’aime encore, et encore je répands ma lumière innocente, mon [Sang, pour toi.»
Eavan Bolan — Le Cheval de guerre (1975)
Par cette nuit sèche, rien d’inhabituel
Dans ce cataclop, cataclop, ces fers
Désinvoltes qui battent la mort
Comme un poinçon sur la monnaie innocente de la terre.
J’ouvre la fenêtre, regarde la soie filante
Du jarret, du boulet, libéré de son joug quotidien
Au camp des gitans sur Enniskerry Road,
Il passe et souffle, renâcle,
Tête baissé. Il est parti. Plus de peur que de mal.
Seule une feuille de notre laurier a été arrachée –
D’un intérêt second, comme un membre amputé
Une rose, c’est tout, qui ne grimpera plus maintenant
La pierre de notre maison, être interchangeable, simple
Ligne de défense, engagé volontaire
Pourrait-on dire, un simple crocus, sa tête bulbeuse
Soufflée dans l’œuf, l’un des morts sans cri.
Mais nous sommes sains et saufs, la peur informe
D’un engagement féroce s’est évanouie : pourquoi se soucier
D’une rose, d’une haie, d’un crocus qu’on déracine
Comme des cadavres, lointains, écrasés, mutilés ?
Il avance en trébuchant, comme la rumeur de guerre, immense,
Menaçant. Les voisins choisissent le stratagème
Des rideaux. Il trébuche dans notre petite rue,
Par bonheur ne s’arrête pas devant chez nous. Immobile, j’attends
Puis soulagée m’appuie sur le rebord
Et, un instant seulement, mon sang se fige
Par atavisme. Cette rose qu’il a broyée part
En lambeaux sur notre haie, rappelle le temps
Des campagnes incendiées, des rubans secrets à la boutonnière :
Une cause déjà ruinée, un monde trahi.
Sarah Montin is Senior Lecturer in literature and translation at the Université Sorbonne-Nouvelle. She works on classical and contemporary war poetry and has published Contourner l’abîme, Les poètes-combattants britanniques à l’épreuve de la Grande Guerre (Sorbonne Université Presses, 2018). She has also translated several of the WWI poets into French, including Wilfred Owen, and most notably Ivor Gurney and Isaac Rosenberg for the Éditions Alidades. She is now working on a translation of Edward Thomas’ war verse.