La traduction au service de la musique
Une conversation avec Pierre-Yves Macé, compositeur d’Ear to Ear, à partir de The Waste Land, et Joris Lacoste, traducteur du poème en français.
Pierre-Yves Macé, vous êtes à l’honneur de l’édition 2023-2024 du Festival d’Automne qui vous consacre un portrait pour lequel vous avez présenté, entre autres, une création musicale à partir de The Waste Land. Comment se sont passées cette rencontre et cette création ?
P.-Y. Macé – Ear to Ear est né d’une commande qui m’a été faite en 2021 par Seán Doran et Liam Brown, deux curateurs indépendants associés à la Fondation T. S. Eliot, dans le cadre du festival « f r a g m e n t s » organisé en 2022 à Londres pour célébrer le centenaire de la publication du poème. La commande était relativement fléchée dans la mesure où le poème devait être au centre de diverses manifestations (concerts, lectures, conférences, etc.) et que les organisateurs tenaient à ce qu’il soit lu intégralement, par plusieurs voix, afin de mettre en relief sa polyphonie.
On vient vous chercher parce que vous êtes un compositeur français qui connaît T. S. Eliot et le poème ?
P.-Y. Macé – Non, on vient me chercher parce que j’ai été recommandé par Joséphine Markovits du Festival d’automne. Je crois aussi que les organisateurs tenaient à sortir Eliot de sa centralité anglaise en rendant hommage au cosmopolitisme du poème ; choisir un compositeur français, c’était pour eux, je crois, faire un geste en ce sens. À l’époque, je ne connaissais pratiquement pas The Waste Land si ce n’est, comme beaucoup de gens, à travers quelques vers cités ailleurs. Pour moi, c’était : « That corpse you planted […] he’ll dig it up again! » (« L’enterrement des morts », v71-75) cités par Heiner Müller à la fin de son poème Maelstromsüdpol, qui a été mis en musique par le compositeur Heiner Goebbels. Je me suis souvenu également de Scott Walker, songwriter américain naturalisé anglais, qui citait souvent The Waste Land comme une inspiration majeure. Comme beaucoup de monde, je n’ai pas compris grand-chose au poème en première lecture, je l’ai donc relu plusieurs fois, j’ai consulté gloses et exégèses. Et cela a été une véritable rencontre. J’aime travailler à partir de matériaux hétérogènes, de frictions d’éléments qui vont dissoner ou entrer en collision ; je me suis retrouvé un peu chez moi, très à l’aise dans cette forme composite qu’est The Waste Land, son caractère discontinu et très condensé – j’ai appris plus tard le rôle qu’avait joué Ezra Pound en coupant largement dans le texte.
Comment avez-vous procédé pour la composition ?
P.-Y. Macé – Guidé par la centralité du texte parlé, j’ai créé une pièce sonore à mi-chemin entre musique électroacoustique et art radiophonique. Tout est parti du choix des voix : nous avons sollicité dix personnes pour lire le poème, en veillant à varier les timbres et les physionomies vocales. De ces enregistrements a découlé toute la musique. J’en ai tiré des éléments mélodiques, parfois jusqu’à donner l’illusion du chant, comme dans le passage de « Cléopâtre » (« Une partie d’échecs », v77-110) où j’utilise des doublures de la mélodie vocale dans l’aigu qui font allusion à Philomèle transformée en rossignol. Pour ce passage comme de nombreux autres, le résultat aurait été très différent avec une autre performance vocale. C’est un peu le principe de la musique concrète : transformer le contingent en nécessité. Il y a quelques exceptions où le poème est véritablement chanté, en l’occurrence par la voix de la soprano Nathalie Raybould, pour qui j’ai composé quelques lignes vocales, comme le « Sweet Thames runs softly » (v176, puis v183-184), afin de marquer le décrochement impliqué par la citation de Spenser. Cette voix revient aussi dans le quatrième mouvement (« Mort par noyade »), accompagnée par la harpe de Stef Van Vynckt, pour chanter une ligne vocale qui n’est autre qu’une transcription de la diction d’Eliot dans son enregistrement de 1946, musicalisée et stylisée au point qu’on la reconnaît à peine.
À Londres, pour la création, il n’y avait ni support textuel, ni « traduction » ?
P.-Y. Macé – En effet, il n’y avait que les haut-parleurs disposés autour du public. Certains auditeurs-spectateurs londoniens sont venus avec leur livre et suivaient le texte à mesure qu’il se déroulait à l’audition. Ce public londonnien connaissait le poème presque par cœur ; il était évident qu’on ne pouvait pas offrir la même écoute à un public français, qui, lui, ne le connaît pas du tout. Comme le spectacle devait être repris à Paris dans le cadre du Festival d’Automne et à Toulouse au théâtre Garonne, avec lequel je suis associé, il a été assez vite question d’un surtitrage en français. Mais avant cela, il y a eu d’abord la version vidéo en anglais, créée à l’été 2022 en Irlande, pour le festival Beckett d’Enniskillen. J’ai sollicité pour cela l’artiste Oscar Lozano, que j’ai rencontré via Joris pour la Suite n°4 de l’Encyclopédie de la parole.
Comment se présente cette version vidéo ?
P.-Y. Macé – Exactement comme la future version française, à ceci près que c’est le poème original, en anglais, qui apparaît à l’écran. Il y a donc coïncidence exacte entre ce qu’on voit et ce qu’on entend. Mais cette apparente redondance est contrebalancée par le travail visuel, sobre et sophistiqué à la fois, opéré par Oscar pour mettre en espace le texte. Par exemple, dans la scène tout en reflets de « Cléopâtre », le texte apparaît à l’écran à l’endroit et en inversé en même temps ; ailleurs, dans « Le Sermon du feu », le concert des voix est « traduit » musicalement en palimpseste auditif et en image par des surimpressions textuelles rémanentes, ce qui intensifie l’expérience sensorielle des spectateurs. En plus du texte, Oscar a introduit une forme abstraite localisée en bas de l’écran, une sorte de nuage lumineux qui, en se déployant et en se rétractant par des micro-variations, introduit un effet hypnotique, un peu comme lorsqu’on regarde la pluie frapper à la vitre. Cette « forme » est présente par intermittence pendant les trois-quarts de la représentation pour se déployer complètement comme quelque chose de très lumineux dans la cinquième partie (« Ce qu’a dit le tonnerre »).
Lorsque vous intervenez, Joris Lacoste, le dispositif musical et vidéo est donc déjà en place. Quel a été votre parti pris pour la version française ?
Joris Lacoste – Il y a d’abord eu une coïncidence étonnante. Je prenais un café avec Pierre-Yves Macé à propos d’un tout autre projet lorsqu’il m’a parlé de ce qu’il préparait à Londres. Je lui ai dit tout à trac que j’avais traduit The Waste Land en 1995, à vingt-deux ans. J’étais à Londres pour quelques mois, je m’intéressais à la poésie et j’ai acheté une édition de poche des poèmes d’Eliot. J’avais été fasciné par ce poème – dont je ne connaissais pas le statut culte – la variété des registres, les effets de montage. Un peu plus tard, je me suis essayé à le traduire, peut-être parce qu’entre-temps j’avais lu la version de Leyris – qui m’avait aidé à comprendre le poème et à entrer dedans, mais que j’avais trouvé trop ampoulée sur le plan des registres et trop lissée au regard de la brutalité des ruptures et des changements de rythme. De retour chez moi, après ma discussion avec Pierre-Yves, j’ai exhumé le texte et je me suis décidé à le lui envoyer, sans le relire.
P.-Y. Macé – À ce moment-là, je suis en train de lire des traductions en vue de la version française, celle de Pierre Leyris bien sûr, la seule publiée par un éditeur ; celle aussi du dramaturge Michel Vinaver – j’ignore alors qu’elle était contemporaine de celle de Leyris et qu’il était tout jeune lorsqu’il l’a produite car elle a été publiée relativement tard, en revue, dans les années 1980. J’ignore aussi qu’il y en a eu une avant celle de Leyris. J’en trouve de plus récentes (elles datent des années 2020) celles de Benoît Tadié, un professeur d’université et du poète Pierre Vinclair, mais aucune ne me paraît convenir. Je me dis qu’il faudrait quelque chose de plus spécifique à la forme musicale et vidéo mise en place. Quelques mois plus tard, j’ai repensé à mes échanges avec Joris et je lui ai proposé de retravailler sa traduction dans cette perspective.
Vous reprenez donc tout à zéro ?
J. Lacoste – Lorsque Pierre-Yves m’a proposé officiellement de collaborer à son installation, j’ai relu ma traduction… Et j’ai trouvé qu’elle aussi n’avait pas bien vieilli. J’étais peut-être trop jeune à l’époque pour ce travail, que je n’aurais sans doute pas pu faire sans la traduction de Leyris. Je suis donc reparti de mon texte dans l’idée de tout reprendre, même si quelques vers en sont restés, en me reportant aux quatre autres traductions disponibles quand j’avais des doutes sur le sens (ma première version comportait quelques contresens). Chaque traduction est une interprétation et a valeur d’exégèse, les auteurs ont fait des recherches, parfois un consensus semble émerger, cela livre des informations essentielles auxquelles il est intéressant de se confronter. Disons aussi qu’il y a une histoire de la traduction de tout texte classique, et je trouve important de la prendre en compte quand on se lance dans une nouvelle version.
Si l’on part de la traduction de Leyris pour arriver à la vôtre (celle de Vinaver s’écartant beaucoup du texte source), on pourrait dire que vous tendez vers une forme d’épure… C’est voulu ?
J. Lacoste – On ne traduit jamais “dans l’absolu”, mais toujours par rapport à des situations et des contextes particuliers, des modes de réception qui vont déterminer les choix et les partis pris : en l’occurrence ici une installation sonore où le spectateur va entendre l’anglais en même temps qu’il lit le texte français. Cela crée une contrainte particulière, que je n’avais pas en 1995. Le spectateur-auditeur étant en condition de double réception orale et visuelle, il faut que l’œil connecte à l’oreille le plus rapidement possible. Cela m’a conduit à chercher une forme de parallélisme avec l’oral, ce qui suppose par exemple d’essayer de respecter l’ordre des propositions. Dans ma toute première version, j’avais traduit le premier vers « April is the cruellest month, breeding » par « Le mois le plus cruel est avril… » Impossible dans la configuration de l’installation : il me fallait garder l’ordre de l’anglais, « Avril est le mois le plus cruel… », d’autant plus que cela fonctionne aussi en français.
Je dirais que je me suis mis dans la position d’un spectateur regardant un film en version originale ; c’est plutôt une posture de sous-titreur, qui n’est pas celle dans laquelle on se met généralement pour traduire de la poésie, et qui appelle une forme de transparence. Si j’avais traduit dans la perspective d’un livre (a fortiori dans une édition non bilingue), je n’aurais sans doute pas fait les mêmes choix.
Est-ce pour ne pas faire obstacle à l’écoute en anglais, que vous n’avez pas cherché à restituer certaines formes poétiques comme les sonnets de la troisième partie (« Le Sermon du feu », v173-186 puis v235-248), par exemple ?
J. Lacoste – Même si j’ai parfois conservé des rimes, allitérations et assonances, je n’ai effectivement pas cherché à reproduire systématiquement les effets poétiques du poème. Étant donné que toute une dimension du poème – ses rythmes, ses échos, rimes et assonances – serait présente dans les voix anglaises et leur sonorisation, elle avait moins besoin d’être prise en charge par la traduction écrite qui défile à l’écran. Ce qui m’a permis d’être à la fois plus précis et plus simple dans le phrasé et l’énonciation pour que le sens parvienne plus directement aux auditeurs.
En quoi cette posture de sous-titreur se distingue-t-elle (ou pas) de votre pratique théâtrale ?
J. Lacoste – Ce style simple et direct est une pratique que j’ai développée en traduisant plusieurs pièces de Shakespeare, la plupart en collaboration avec Julie Étienne, notamment pour des mises en scène de Gwénaël Morin. Le fait de connaître le style très efficace de ce metteur en scène ainsi que de ses acteurs dirigeait en quelque sorte la traduction en lui donnant un axe très particulier. Comme pour Ear to Ear, c’est une question de contexte et de parti-pris. Nous n’aurions pas travaillé de la même façon pour d’autres metteurs en scène ou si la destination avait été un texte à lire.
Je dirais que la difficulté principale, quand on cherche dans la traduction une forme d’évidence” ou de “simplicité”, consiste à ne pas aplanir la diversité des registres, ce qui vaut aussi bien chez Shakespeare que chez Eliot. Cela dit, avec The Waste Land, ce contraste des tonalités est particulièrement marqué. La scène de « Cléopâtre » est bien plus soutenue que celle du pub, par exemple.
À ce propos, il y a dans la scène de « Cléopâtre » ce terme laquearia (v92) repris par la plupart des traducteurs mais pas par vous, pourquoi ?
J. Lacoste – Oui, j’ai mis « moulures », car j’ai vu que si laquearia se trouve dans le dictionnaire anglais, il ne l’est pas dans le dictionnaire français. Cela évoque peut-être quelque chose à des oreilles anglophones, mais rien à des oreilles françaises.
Cette volonté de « transparence » vous a-t-elle coûté sur le plan poétique. Avez-vous eu le sentiment de devoir vous réprimer ?
J. Lacoste – Pas vraiment car, d’une certaine façon, je ne m’étais pas du tout réprimé autrefois ! Et c’est bien le défaut de cette version de jeunesse : dans l’ensemble, elle était trop poétique, sur-écrite, maniérée, même si j’y ai retrouvé de bonnes idées… Dans ce nouveau contexte, il m’a donc été plus facile de simplifier…
P.-Y. Macé – Avec, je dois dire, des bonheurs d’expression. Dans la scène de la dactylo et de l’agent immobilier (« Le Sermon du feu »), par exemple, tu emploies le mot « consentement » qui n’est pas strictement dans l’original et pourrait passer pour une légère surtraduction : « And makes a welcome of indifference » / « Et prend l’indifférence pour un consentement » (v242). Pour moi, c’est un trait de génie, car non seulement cela ancre la traduction aujourd’hui, mais cela dit que ce qui se passe dans cette scène n’est pas exactement de l’ordre de la séduction badine, comme parfois elle est décrite. Pour tout dire, j’avais hésité à le conserver, mais je me suis souvenu qu’à l’issue de la création de la pièce à Londres une dame était venue me voir pour me féliciter d’avoir su si bien suggérer dans cette scène l’entrée dans ce qu’on appellerait aujourd’hui la « zone grise ». Or « consentement » en français nous met exactement à cet endroit-là.
J. Lacoste – D’autant plus que les allusions au viol sont très claires entre Philomène « so rud’ly forced », d’une part, l’« assault » de l’agent immobilier d’autre part, et que dans ce contexte l’anglais « welcome » est impossible à rendre en français : « accueille l’indifférence », se « contente de l’indifférence », rien ne fonctionnait…
Vous parliez d’ancrer la traduction aujourd’hui. Dans la scène du pub (« Une partie d’échecs », v140-173) vous n’hésitez pas : « ta gueule me revient pas », « il va vouloir prendre son pied »… Avez-vous anticipé le risque de la voir vieillir, comme celle de Leyris ?
J. Lacoste – Pour moi la difficulté, c’était d’être dans un registre contemporain qui soit aussi plausible il y a cent ans. Sinon on se trouve dans une sorte d’argot soit daté, soit trop contemporain, ce qui est artificiel dans les deux cas. C’est un problème que l’on rencontre aussi avec Shakespeare pour traduire les insultes ou le registre familier. Dans cette scène, le plus difficile a été de trouver un équivalent à « hot gammon » (v166) qui contient une connotation sexuelle en anglais. J’ai choisi « saucisse » plutôt que le « jambon cuit » de Tadié ou la « jambe de cochon » de Leyris. Sinon, j’ai une question pour Pierre-Yves : toujours dans cette scène du pub, j’ai toujours entendu le personnage qui raconte l’histoire de Lil dans une voix de femme – même si rien ne l’indique grammaticalement, si ce n’est le contexte. Mais dans l’installation, c’est une voix d’homme, pourquoi ?
P.-Y. Macé – Cela me paraît maintenant évident que c’est une femme qui parle dans ce passage, mais j’ai longtemps imaginé une voix d’homme, en dépit de la vraisemblance : le pub est plutôt un univers d’hommes ; d’ailleurs, Leyris devait imaginer la même chose puisqu’il fait dire au barman « Messieurs, on ferme ». Il y a certes le « Good night ladies » qui clôt la scène, mais c’est une citation de Shakespeare qui pourrait être lancée à la cantonade. Mais ce qui a été déterminant c’est la position des commanditaires avec qui je choisissais les différentes voix : pour ce passage-là, ils tenaient au cockney d’un quartier très précis de Londres, pour lequel ils avaient un acteur parfait, Robert Glenister. La justesse de l’accent était pour eux plus importante que l’incarnation.
De même, Tirésias a une voix de vieille femme que vous faites démarrer à « Moi, Tirésias… » (v218) alors que son récit commence trois vers plus haut…
P.-Y. Macé – C’est exact. J’ai choisi de ne pas toujours faire correspondre une voix supposée du poème à une voix précise d’un ou une récitant.e. Il y a beaucoup de moments où plusieurs voix disent le même texte en même temps ou successivement. Pour le passage que vous citez, qui est assez polyphonique, je trouvais intéressant de n’insérer la voix de cette dame âgée (incarnation de Tirésias) que par petites touches, pour apporter une autre couleur. Je procède de la même manière, symétriquement, avec la voix d’une enfant de 11 ans, à qui j’ai demandé de lire quelques vers isolés, en particulier ceux qui ont valeur de citation (« Those are pearl that were his eyes », v48, « This music crept by me upon the waters », v257, etc.) ou encore les vers 15 et 16 qui font directement référence à un souvenir d’enfance (« Marie / Marie, hold on tight »).
Justement, Joris, quel a été votre principe directeur pour le traitement des citations ?
J. Lacoste – Quand elles apparaissent clairement comme des citations, le parti pris a été de ne pas les traduire. Mais dans le cas de « Sweet Thames », comme elle revient deux fois (v176, puis v183-184), j’ai traduit la seconde fois, ce que ferait un sous-titreur dans un film : on attire l’attention sur la citation la première fois, on en donne le sens la seconde. En revanche, pour « Those are pearls that were his eyes », la citation est prise en charge par la voyante la première fois (v48) ; en France, elle la dirait sans doute en français, je l’ai donc traduite ; mais je l’ai laissée en anglais la seconde fois (v125) où elle apparaît en tant que citation. À la toute fin de « Ce qu’a dit le tonnerre », je n’ai rien traduit, même « Why then Ile fit you. Hieronymos is mad againe » (v431), car j’ai voulu lui laisser le même statut que pour les citations de Dante et de Nerval qui précèdent.
Le dispositif que vous avez créé à partir de The Waste Land a évolué et s’est enrichi au fil des lieux, des contextes et des publics. Imagineriez-vous à présent le reprendre entièrement en français à partir de sa traduction ?
J. Lacoste – Dans ce cas-là, je reprendrais entièrement la traduction dans une visée théâtrale, pour la scène, sans me sentir tenu par cette exigence de fidélité qui m’était imposée par le nécessaire parallélisme avec le texte anglais. Mais la traduction de la poésie butant souvent sur la question de son impossibilité et la composition de Pierre-Yves ayant été de partir des voix anglaises, je ne suis pas sûr que cela aurait un sens de la refaire en français avec ce texte-là. Malgré les citations, Eliot y est très dans sa langue.
P.-Y. Macé – Je dirais la même chose de la composition musicale, il faudrait tout recomposer à partir des voix françaises. À ce compte-là, il vaudrait mieux recommencer à zéro avec un autre poème, en français.
Notices biographiques
La musique de Pierre-Yves Macé, né en 1980, mêle composition instrumentale et vocale, électroacoustique et art sonore, dans une démarche attentive aux échos du monde. Le son enregistré, l’archive sonore sont au cœur de sa pratique. Son penchant pour l’interdisciplinarité l’amène à collaborer avec des artistes visuels, chorégraphes et metteurs en scène, sans jamais renier son langage musical spécifique. Sa musique est jouée par les ensembles L’Instant donné, Dedalus, Multilatérale, Ictus, L’Ensemble Intercontemporain, Les Cris de Paris… Elle est publiée sur les labels Tzadik, Sub Rosa, Brocoli. Son travail est régulièrement soutenu par le Festival d’automne à Paris : concerts monographiques en 2012, 2016, 2020 et portrait en 2023.
Joris Lacoste écrit pour le théâtre et la radio depuis 1996 et réalise ses propres performances et spectacles depuis 2003. En 2004, il a fondé le projet collectif de recherche W. Il a été auteur associé au Théâtre de la Colline en 2006-2007. De 2007 à 2009, il a été co-directeur des Laboratoires d’Aubervilliers. Il a fondé en 2007 le collectif Encyclopédie de la parole, dans le cadre duquel ont été créés sept spectacles qui ont été montrés dans le monde entier et ont fait l’objet d’un Portrait au Festival d’Automne à Paris en 2020. En 2023, à Gand, il a créé la toute première version scénique de la pièce A-Ronne de Luciano Berio avec l’ensemble HYOID dirigé par Filip Rathé. Joris Lacoste a par ailleurs créé de nombreuses performances et participé à plusieurs expositions dans des musées et centres d’art. Il a également traduit quatre pièces de Shakespeare pour les metteurs en scène Gwénaël Morin et Marie Lamachère.
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